L'éducation musicale

Professeur d’éducation musicale :

Quels enjeux pour une didactique en pleine évolution ?

La musique tient une place essentielle dans la vie des élèves d’aujourd’hui. Faut-il d’ailleurs rappeler de manière banale, mais ô combien évidente, l’importance de la consommation musicale dans notre société du XXI° siècle ? Les progrès du matériel audio phonique, son coût abordable et sa diffusion auprès de toutes les couches sociales, le développement des médias, la diffusion des cédéroms, l’utilisation de thèmes musicaux dans la publicité, l’organisation de concerts gigantesques ont fait de la musique un élément omniprésent de notre vie.

Mais si l’aspect quantitatif demeure, ne faut-il pas évaluer l’aspect qualitatif de cette consommation, voire de cette surconsommation musicale ? Le cours de musique ne peut prétendre à lui seul former le goût musical (on sait à quel point l’adhésion à certaines formes de musique joue chez les adolescents un rôle important pour s’identifier à un groupe). Mais le cours de musique peut créer les conditions qui permettront aux goûts de l’élève d’évoluer, qui permettront à l’élève de mieux appréhender l’univers sonore actuel et la pluralité des genres de musiques (dans le temps, dans les origines géographiques, dans les styles, dans les techniques de production du son...) qui l’entourent La musique reste aussi un des langages incontournables de l’expression individuelle et collective. Le champ des sons étant plus universel que celui des mots (même si Rousseau affirmait que la musique exprimait les infinies variétés du coeur humain), le cours d’éducation musicale doit donner à l’élève les moyens de développer ses capacités d’expression artistique, ses capacités de discernement dans la connaissance des langages musicaux, ses capacités à exprimer sa sensibilité, par une expérience constante de la créativité.

Dès lors, les objectifs de l’éducation musicale au collège peuvent apparaître de façon très claire : il s’agit de développer chez les élèves des compétences précises dans les aptitudes, les savoir-faire, les connaissances, tout en favorisant leur autonomie et leur socialisation dans les différentes activités musicales.

Les savoir-faire doivent permettre à l’élève d’être le véritable acteur du cours, celui qui interprète, qui réalise, qui crée et qui invente, qui identifie, qui concrétise une analyse critique. (Interpréter un chant collectif à une ou plusieurs voix. interpréter seul un chant, jouer un morceau à la flûte à bec, avec des percussions, un clavier ou un autre instrument, créer une mélodie, un morceau d’ensemble, réaliser un dossier, une recherche documentaire, un panneau, formaliser un commentaire d’oeuvre, un jugement esthétique. ., font partie des compétences exigibles d’un élève en fin de 3e.) Les connaissances auront permis à l’élève de s’approprier un vocabulaire spécifique. Par l’écoute d’oeuvres choisies dans un champ d’investigation excessivement large, il est amené à aborder de manière plus simple puis de plus en plus complexe, les problématiques de temps, de forme, d’Espace sonore, de timbre et de couleur, d’expression musicale.

S’il est vrai que la musique a été de tous temps considérée comme primordiale pour la formation de l’individu, l’image du cours de musique au collège n’a pas toujours été bien perçue, les pratiques ont parfois du mal à évoluer.

Mais qui peut affirmer aujourd’hui, à la lecture de tels objectifs, que le cours d’éducation musicale n’a pas changé, qu’il n’est pas adapté au profil des élèves de collège, qu’il reste obsolète ou qu’il n’a pas sa place comme principe formateur des adolescents considérés comme de futurs adultes ?

Enseigner la musique n’est certes pas de tout repos. Si le cours d’éducation musicale au collège a de façon indé- niable trouvé sa spécificité de par ses objectifs (les Instructions Officielles ne permettent plus de le confondre avec un cours d’histoire de la musique, ou un cours de solfège d’école de musique), il doit encore aujourd’hui affirmer sa place aux côtés de matières dites principales... La note de Français ou de Maths reste dans le carnet celle que les parents regardent avec le plus d’attention.., oubliant trop souvent celles des matières dites secondaires... Mais n’y a-t-il pas là un simple manque d’information sur les compétences spécifiques ou trans- versales évaluées dans ces matières, et qui ne correspondent plus aujourd’hui aux pratiques de notation d’il y a 20 ans.

Ne faudrait-il pas aussi rappeler la présence d’une moyenne annuelle pour le contrôle continu de 4e et de 3e (Brevet) : la possibilité de prendre en classe de Seconde l’enseignement de la musique dans le cadre dune option de 4 heures soit du premier groupe (série L), soit du deuxième groupe (séries S et ES), présentée au Baccalauréat : la possibilité de préparer l’option facultative comptant pour le premier tour des épreuves du Bac- calauréat ?

Enfin, la possibilité tout simplement d’exercer un métier en rapport avec la musique est bien réelle. Le manque d’information dans ce domaine peut être comblé aujourd’hui par le cours d’Education musicale. Les nouveaux programmes insistent sur la présentation aux élèves des possibilités professionnelles” d’une telle matière, et des différents métiers qu’ils peuvent exercer dans ce domaine.

La liste ci après ne peut en rien être exhaustive mais donne déjà un aperçu très dense : musiciens d’orchestre, chefs de choeur, chefs d’orchestre, professeur d’éducation musicale de collège, de lycée, professeur d’instrument, de formation musicale en école de musique, musiciens intervenant en milieu scolaire, ingénieurs du son, technicien de facture d’instrument en atelier de lutherie ou en usine, commerciaux spécialisés en vente de matériel hi-fi, d’instruments, technicien du son en concert, en studio d’enregistrement, régisseur d’orchestre, critique musical. etc. (formés à l’université, à I’IUFM, au Conservatoire ou en Ecole de musique, au CFMI (Centre de Formation des Musiciens Intervenants) ou ayant préparé un CAP un BEP ou un diplôme d’ingénieur dans des écoles spécialisées)

La fonction du professeur d’Education musicale au collège ne s’arrête plus aujourd’hui au seul enseignement dans le cadre de la classe. L’animation d’activités musicales collectives (chorale, ensemble instrumental, ateliers divers) crée une dynamique artistique dans l’établissement. La production d’une prestation musicale, d’un concert donne aux parents la possibilité de découvrir des compétences nouvelles et souvent ignorées chez leurs enfants. Elle donne aussi aux élèves les possibilités de s’exprimer ou de se produire individuellement et collectivement, de se confronter aux regards d’un public, d’évaluer leurs propres capacités à se maîtriser. De telles activités liées bien sûr à des contingences matérielles et financières qui ne peuvent être les mêmes d’un établissement à un autre trouvent naturellement leur place au sein d’une équipe éducative et dans le projet éducatif du collège. Comment pourrait-il d’ailleurs en être autrement pour une matière où l’interdisciplinarité fait partie intégrante du cours

Le développement des qualités vocales des élèves et l’exigence d’une attention auditive sans cesse sollicitée ne peuvent être qu’en relation directe avec la didactique des langues (que ce soit la langue maternelle ou une langue étrangère). De même, le choix d’un répertoire de chansons à interpréter oblige les élèves à prendre en compte la qualité littéraire d’un texte, le contenu de son message (le cours de français).

La maîtrise de repères historiques permettant de situer une oeuvre dans un contexte politique, social, culturel amène de façon évidente le professeur à établir des liens avec l’histoire, les arts plastiques, etc. La création d’une cellule rythmique avec un nombre de temps précis ; la construction d’un accord, la reconnaissance d’intervalles font aussi appel à une certaine “rigueur” mathématique (ainsi qu’avec l’introduction de techniques informatiques musicales). Ici encore, cette liste n’est en rien exhaustive.

Enfin, gérer dix-huit classes dont la progression, les réactions, les implications ne peuvent en rien se comparer les unes aux autres. (Situation réservée. rappelons-le, aux seuls professeurs d’éducation musicale et d’Arts plastiques) implique une réflexion et une application sur le terrain d’une pédagogie adaptée à chaque profil de classe. Toute thématique étudiée au travers des diverses activités du cours devra trouver sa dimension juste en termes de sensibilité, de culture, de technique, d’expression, de créativité... (A chacun de faire preuve de la plus grande maîtrise de sa didactique !)

II semble logique après un tel propos (et dans la mesure où celui-ci a pu clarifier un certain nombre de questions) d’affirmer que la didactique de l’Education musicale a su évoluer et faire preuve de modernisme, tenant compte d’un contexte socioculturel et éducatif en plein mouvement. Dans le cadre de la formation, le CEPEC a multiplié ses efforts pour répondre de façon très concrète aux nombreuses attentes des enseignants. Les stages proposés ont abordé les problématiques de la pratique vocale, de la pratique instrumentale, de la gestion des nouveaux programmes, de l’organisation du cours en séquences de travail, de la créativité, de l’informatique musicale.

Le moment délicat de conclure ce propos est maintenant arrivé... La lecture de ce texte avait un objectif clair et précis celui d’éliminer toutes images anciennes, tout préjugé qui tendrait à laisser sans réponse ln question de l’intérêt et de la légitimité d’une éducation musicale au collège. L’objectif a-t-il été atteint ?

Je l’espère en tous cas du fond du coeur, renouvelant par là toute la passion et les convictions qui font que j’ai choisi d’exercer ce métier.

Bruno-Jean VILLARD

Professeur agrégé d’éducation musicale

Formateur CEPEC